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Les cas solides :Lac Chauvet, France, 1952VI - L’analyse des photos par Laurent Guérin |
L’étude ci-dessous est due à Laurent Guérin, le fils de Pierre Guérin. Ingénieur lui-même, il avait notablement collaboré à l’article de son père sur Chauvet (la version originale publiée dans le JSE le crédite même explicitement pour son aide), en particulier pour tous les calculs trigonométriques.
Lorsque je l’ai retrouvé puis contacté, il a très vite accepté de “reprendre le collier”, et s’est même je crois piqué au jeu lorsque je lui ai soumis l’anomalie du nuage. Il a repris tous les calculs en affinant énormément la méthode, afin de tirer davantage d’informations des photos, et de tenir compte des moindres facteurs pouvant influer sur les calculs.
Je le remercie chaleureusement ici pour son implication et ses talents en géométrie.
L’“anomalie du nuage” vient du fait que l’extrémité gauche du nuage en bas de la photo 3 semblerait, à première vue, devoir être légèrement visible sur la droite de la photo 4. D’après les calculs de Pierre Guérin, Frégnale a en effet pivoté sur la gauche d’environ 23°, soit sensiblement moins que le champ angulaire couvert par un film 35mm (environ 30°). Voir le chapitre V du dossier Chauvet.
Bien entendu, les calculs initiaux de Pierre Guérin comportaient des marges d’erreur non négligeables qui, cumulées, pourraient expliquer cet écart apparent d’un peu plus de 6°. Mais pour s’en assurer, il fallait recommencer tous les calculs depuis le début.
Laurent Guérin a donc patiemment réalisé toutes ces mesures et tous ces calculs. C’est avec lui que cette page a été réalisée. Pour les matheux passionnés, toute la théorie et les équations se trouvent ici.
– les grands axes ai et petits axes bi des images de l’objet, dont la distorsion est corrigeable en fonction de la distance mesurable au centre de la photo ;
– les angles γi entre la trajectoire supposée de l’objet et la ligne d’horizon (photos 3 et 4 uniquement) ;
– les angles ωi entre le grand axe de l’image de l’objet et la ligne d’horizon (photos 3 et 4 uniquement) ;
– les angles γi–ωi entre la trajectoire supposée de l’objet et le grand axe de l’image de l’objet (ωi est compté ici algébriquement contrairement aux formules originales) ;
– les angles γi et ωi sur les photos 1 et 2 sont arbitrairement estimés de sorte que les valeurs γi–ωi soient compatibles avec leurs mesures.
On trouvera la démonstration des formules, plus complète que celle donnée dans l’article original, ici.
L’aplatissement ri est donné par bi/ai.
(1) sin αi/ai = cste ;
(2) cos βi = tg αi/tg α0 ;
(3) tg γi = –sin αi.tg βi (βi est compté ici négativement à gauche de l’observateur contrairement aux formules originales) ;
(4) tg αi = ri.(1–ri2)–½.sin γi/sin(γi–ωi) ;
(5) (1–ri2)½.sin ωi = sin Ωi.sin βi (Ωi est compté positivement quand l’objet s’incline de manière à paraître plus circulaire à l’observateur, comme dans les formules originales) ;
Une autre formule importante n’était pas explicitée dans l’article original :
(6) ri = sin αi.cos Ωi+cos αi.sin Ωi.cos βi.
On part des mesures les plus fiables (photo 3) r3, γ3 et ω3 pour en déduire selon (4) α3.
Une valeur de α4 est obtenue selon le même principe, car les valeurs ont une fiabilité correcte.
La formule (1) permet d’en déduire les autres αi ; on constate une excellente concordance entre les deux valeurs obtenues de α4 ; on constate aussi que les valeurs de αi pour les photos 1 et 2 sont cohérentes avec celles obtenues selon (4) avec les estimations arbitraires de γi et de ωi.
Comme il est estimé que β2 est voisin de zéro, une estimation de Ω2 est donnée à l’aide de α2 et r2. Cela correspond en fait à utiliser (6) qui devient ici r2 = sin(α2+Ω2).
Le calcul plus précis de β2 est alors obtenu grâce à (5) ; (2) conduit alors à α0.
Cette même formule (2) conduit alors aux autres βi, puis les autres Ωi sont alors déduits de (5).
La cohérence des valeurs obtenues (utilisation d’un α moyen entre les photos 1 et 2) est vérifiée pour comparer l’écart angulaire calculé entre ces deux photos et la mesure de cet écart sur une photo composite.
En effet, à partir des mesures des positions d’un certain nombre de points caractéristiques de l’arbre (visibles sur les photos 1 et 2), il est possible de calculer la transformation permettant de passer d’un repère lié à la photo 1 à un repère lié à la photo 2.
A partir des mesures de l’objet sur la photo 1, il est possible de calculer la direction de l’objet dans le repère de la photo 1, puis par la transformation ci-dessus, de calculer cette direction dans le repère de la photo 2 (qui représente la position qu’aurait eue l’objet sur la photo 2 s’il n’avait pas bougé). De même, à partir des mesures de l’objet sur la photo 2, il est possible de calculer la direction de l’objet dans le repère de la photo 2. L’écart angulaire entre les deux positions est obtenu par le produit scalaire entre les deux directions calculées dans le repère de la photo 2.
Deux jeux de test sur des points caractéristiques différents conduisent à des valeurs extrêmement voisines, prouvant la fiabilité et la précision de ce calcul et donc de l’écart calculé. On trouve χ = 13.75° ±0.05°.
Comme expliqué dans l’annexe (ici), la transformation est caractérisée par trois paramètres λ, η et ω, qui doivent être déterminés de manière à optimiser l’ajustement des points caractéristiques de la photo 1 sur la photo 2. (Cet ω n’a rien à voir avec l’angle entre le grand axe de l’image de l’objet et la ligne d’horizon sur les photos.)
Le formulaire ci-dessous permet de calculer, pour chacun des paramètres, la meilleure valeur x autour d’une valeur approximative initiale x0, parmi les valeur xn = x0+n.δx, avec –10 ≤ n ≤ 10. Ce processus peut être répété plusieurs fois en prenant la valeur obtenue à une étape comme valeur initiale de l’étape suivante et en diminuant l’incrément, de manière à affiner le résultat.
On entre les mesures des points caractéristiques d1i et d2i, φ1i et φ2i, les valeurs θ1i et θ2i seront automatiquement calculées.
On entre les mesures de l’objet d1 et d2, φ1 et φ2, les valeurs θ1 et θ2 seront automatiquement calculées.
On entre une valeur approximative pour λ, η et ω, et des incréments de test pour ces paramètres. Une méthode graphique d’évaluation des valeurs initiales est expliquée plus bas.
Le bouton lance alors l’optimisation, et l’écart angulaire χ est automatiquement calculé. Il est possible d’affiner le résultat à partir des valeurs ainsi trouvées en diminuant les incréments de test (attention à bien mettre des points et non des virgules aux nombres décimaux).
Ce sont ces valeurs, assez précises pour les positions des feuilles et de l’objet sur chaque photo, mais sans doute approximatives pour les paramètres de la transformation, qui sont initialisées dans le formulaire plus haut.
Les valeurs des paramètres de la transformation sont a priori approximatives non seulement parce que la procédure d’ajustement est manuelle au sein d’un logiciel de dessin, mais aussi parce que les éléments que l’on déplace d’une photo à l’autre devraient eux-mêmes être distordus lors du déplacement puisque les centres ne coïncident pas, ce qui n’est pas réalisé dans le processus décrit ci-dessus. D’où la nécessité de procéder à une optimisation mathématiquement rigoureuse implémentée dans le précédent formulaire.
Une première passe avec un incrément de 0,5° conduit à λ = 10,9°, η = –180,1° et ω = –22,7°. En diminuant l’incrément à 0,1°, on obtient alors λ = 11,0°, η = –179,7° et ω = –22,9°. En diminuant l’incrément à 0,01°, on obtient finalement, après une deuxième passe de contrôle, λ = 10,98°, η = –179,81° et ω = –22,88°, et enfin χ = 13,77°.
Il est intéressant de constater cependant que l’on peut tout de même, par ces manipulations graphiques, obtenir une estimation directe de l’écart angulaire entre les deux positions de l’objet. En effet, sur la photo 1 composite, on constate que le vecteur déplacement est quasiment radial. En mesurant la longueur d du trait magenta (= 11,31 mm), on peut considérer que tg(θ1+χ) = (d1+d)/f, ce qui donne l’estimation χ = 13,5° environ, valeur extrêmement voisine de celle donnée par le calcul théorique précis avec distorsions.
Le constat plus haut est mis à profit pour dériver de manière différente les paramètres angulaires. En effet, Les premières étapes de cette méthode modifiée sont identiques : α3 et α4 sont toujours déterminées grâce à (4), tandis que α1 et α2 sont déterminées d’après α3 grâce à (1).
Pour les photos 1 et 2, αi est donc fonction de ai, a3 et α3. Comme expliqué dans l’annexe (ici), il se trouve que α0 est fonction de α1, α2 et de l’écart angulaire χ entre les positions 1 et 2. Donc α0 est entièrement déterminé par a1, a2, a3, α3 et χ.
La formule (2) permet alors de déterminer les βi, puis (3) permet de déterminer les γi, puis (4) permet de déterminer les ωi, et enfin (5) permet de déterminer les Ωi.
En effet, comme expliqué en annexe (ici), premièrement, connaissant la hauteur angulaire et l’azimut d’un point sur une photo et la position de ce point par rapport au centre de cette photo, il est possible de calculer la hauteur angulaire et l’azimut de l’axe de visée de cette photo ; deuxièmement, connaissant la hauteur angulaire et l’azimut de l’axe de visée d’une photo et la position d’un point par rapport au centre de cette photo, il est possible de calculer la hauteur angulaire et l’azimut de ce point ; et enfin troisièmement, connaissant la hauteur angulaire et l’azimut d’un point et la hauteur angulaire et l’azimut de l’axe de visée d’une photo, il est possible de calculer la position qu’aurait ce point sur cette photo.
Connaissant la hauteur angulaire et l’azimut de l’objet sur la photo 3, on mesure donc sa position pour en déduire la hauteur angulaire et l’azimut de l’axe de visée de cette photo, puis on mesure la position du nuage sur cette photo pour en déduire sa hauteur angulaire et son azimut.
Connaissant la hauteur angulaire et l’azimut de l’objet sur la photo 4, on mesure ensuite sa position pour en déduire la hauteur angulaire et l’azimut de l’axe de visée de cette photo, ce qui permet enfin de calculer la position du nuage sur cette photo, puisqu’on connaît sa hauteur angulaire et son azimut.
Connaissant la hauteur angulaire de l’axe de visée d’une photo, on en déduit la position de l’horizon sur cette photo, puisqu’on connaît sa hauteur angulaire, qui est nulle.
Les mesures des positions sont effectuées dans un repère centré sur l’axe de visée et orienté selon les hauteurs angulaires et les azimuts, directions estimées d’après le nuage sur la photo 3 et d’après le talus sur la photo 4.
Le formulaire ci-dessous permet de réaliser tous les calculs ci-dessus (attention à bien mettre des points et non des virgules aux nombres décimaux).
On constate qu’effectivement le nuage devrait être visible sur la photo 4 (xN4 = 8,50mm) avec les valeurs calculées d’après les mesures de l’article original.
Cependant, on constate qu’en faisant varier dans les intervalles définis par les incertitudes mentionnées dans l’article original les grand et petit axes, ou les angles de la trajectoire et du grand axe par rapport à l’horizon pour les photos 3 et 4, on obtient alors des variations conséquentes pour les différents paramètres, et en particulier pour l’abscisse du nuage sur la photo 4. On peut donc dire que cette méthode de calcul est très sensible aux incertitudes.
2a'1 = 0,845±0,030 | 2a'2 = 0,873±0,025 | 2a'3 = 0,751±0,015 | 2a'4 = 0,544±0,015 |
2b'1 = 0,720±0,015 | 2b'2 = 0,702±0,015 | 2b'3 = 0,528±0,015 | 2b'4 = 0,286±0,015 |
γ3 = 26,0°±1,5° | γ4 = 41,0°±3,0° | ||
ω3 = –4,0°±0,5° | ω4 = –9,0°±1,0° | ||
γ1–ω1 = –16,0°±2,0° | γ2–ω2 = 4,0°±0,5° |
Prenons par exemple les valeurs brutes extrêmes suivantes :
2a'1 = 0,815 | 2a'2 = 0,848 | 2a'3 = 0,766 | 2a'4 = 0,559 |
2b'1 = 0,705 | 2b'2 = 0,717 | 2b'3 = 0,543 | 2b'4 = 0,301 |
γ3 = 24,5° | γ4 = 38,0° | ||
ω3 = –4,5° | ω4 = –10,0° |
On constate cette fois-ci que le nuage est bien invisible sur la photo 4 (xN4 = 12,63mm). L’horizon quant à lui n’est pas modifié et est bien sous le talus (yH4 = –14,49mm). Mais il peut y avoir d’autres choix permettant ce résultat. Sur les photos 3 et 4 ci-dessous (cliquez pour agrandir), les traits jaunes représentent le système de coordonnées redressé, les traits magenta indiquent la position du nuage et le trait vert celle de l’horizon. Sur la photo 4, les positions du nuage avec les valeurs originales de l’article (anomalie) et le nouveau jeu de test sont représentées.
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Nous venons de voir comment expliquer le fait que le nuage ne soit pas visible sur la photo 4 : sa position calculée est extrêmement sensible aux choix des mesures dans leur intervalle d’incertitude. Mais le test ci-dessus n’était qu’un exemple ; encore faut-il aussi que tous les autres paramètres recalculés après coup soient eux aussi cohérents avec leurs mesures (en particulier les angles γ et ω).
Ce dernier point mérite d’être commenté : en effet, le formulaire ci-dessus donne pour ces deux angles des valeurs recalculées différentes des valeurs initiales mesurées. Ceci vient du fait que le système d’équations est surdéterminant si l’on considère r, γ et ω comme des paramètres et α et β comme des inconnues. Plus précisément, on a dans ce cas 17 paramètres (les ai, ri, γi et ωi ainsi que χ) et 13 inconnues (les αi, βi et Ωi ainsi que α0), tandis qu’on a 20 équations (3 de type (1)*, 4 de type (2), (3), (4), (5) ou (6)**, ainsi que la relation reliant χ à α1, α2, β1 et β2).
Il est donc patent que les mesures des paramètres ne peuvent être considérées comme indépendantes et que toutes les équations ne peuvent être vérifiées simultanément avec des choix de valeurs mesurées quelconques.
* sin αp/ap = sin αq/aq conduit bien à trois équations indépendantes en faisant varier p et q.
** Les équations (4), (5) et (6) ne sont en effet pas indépendantes.
Si les conditions des mesures étaient telles qu’elles conduisaient à des incertitudes minimes sur tous les paramètres, alors cela invaliderait le modèle mathématique. Or il se trouve que les mesures, en particulier celles de γ et ω sont entachées de larges incertitudes. Il convient donc de les utiliser a minima dans la dérivation des paramètres et de favoriser les autres mesures, comme celles de a et r, et surtout χ. C’est ce que nous avons fait dans le formulaire, où γ3 et ω3 sont utilisés une seule fois au départ pour calculer α3, puis recalculés à la fin une fois tous les autres paramètres déterminés.
Si l’on considère maintenant les γi et ωi comme des inconnues et si l’on rajoute un paramètre a0 (en relation directe avec la largeur angulaire maximale), il se rajoute une quatrième équation de type (1), et l’on obtient un système de 21 équations à 21 inconnues et 10 paramètres. Le choix de ce qui joue le rôle de paramètre et celui d’inconnue est d’ailleurs totalement arbitraire : on peut soit tenter de résoudre les équations en fonction des données mesurées (méthode directe), ou bien attribuer des valeurs test à des inconnues et calculer quelles devraient alors être les valeurs mesurées, et les comparer aux mesures effectives, ou bien même une méthode mixte.
Il s’avère que cette dernière méthode est la plus efficace et facile à mettre en œuvre : nous posons comme valeurs test les azimuts βi et les aplatissements ri, ainsi que la largeur angulaire maximale 2ε0, ce qui permet de calculer tous les autres paramètres angulaires ou dimensionnels. Le choix des βi comme valeurs de test vient de ce que cela conduit à une moindre sensibilité aux variations.
La procédure est la suivante : (2) fournit αi en fonction de α0 et βi ; χ étant fonction de α1, α2, βi et β2, χ est fonction de α0, β1 et β2 ; par inversion, α0 est fonction de χ, β1 et β2, et donc αi est fonction de χ et des βk. (3) fournit γi en fonction de χ et des βk. L’inversion de (6) fournit Ωi en fonction de χ, ri et des βk. (5) fournit ωi en fonction de χ, ri et des βk.
On peut contrôler que (4) est bien vérifiée, preuve que les équations étaient dépendantes et qu’on ne pouvait pas attribuer des valeurs mesurées quelconques à la fois à r, γi et ωi. Le paramètre ε0 permet enfin avec (1) de trouver ai en fonction de ε0, χ et des βk (et bien sûr de la distance focale f), puis de trouver bi en fonction de ε0, χ et des βk.
La simple donnée de valeurs test pour les βi permet donc de déduire les αi et les γi ; la donnée de valeurs mesurées et corrigées pour les ri permet de déduire les Ωi et les ωi ; la donnée d’une valeur test pour ε0 permet de déduire les ai et les bi. Le jeu de test permet aussi de calculer la position du nuage et de l’horizon sur la photo 4 et donc de le valider ou non. Il faut ensuite que les valeurs trouvées pour γ–ω soient compatibles avec celles mesurées sur les photos 3 et 4 où la mesure est fiable, et que les valeurs a et b soient cohérentes avec celles mesurées après correction de distorsion.
En cours de rédaction…